Ecouter est un acte d'amour
Une discussion se joue comme une valse en trois temps : parler, recevoir le discourt de l'autre en soi, et répliquer si nécessaire... Mamoun Moubarak Dribi Psychanalyste Savoir écouter : c'est faire acte d'amour et de savoir qui s'énoncent en silence L'acte d'écouter n'est pas une mince affaire, cela suppose de savoir faire taire les bruits et les nuisances de soi à l'intérieur.
Écouter est un acte dynamique, cela suppose que vous vous laisser emporter par le discours de l'autre quand c'est nécessaire et juste, et que vous savez résister quand il le faut. Discuter, parler, c'est échanger. Échanger les avis et les propos, échanger les vérités pour connaître les positions d'autrui. Cela permet d'appréhender l'autre pour le séduire et le convaincre...
L'acte de parler permet de célébrer un mariage, de bénir une cérémonie, de chauffer les foules dans un meeting politique. Et même de soigner dans une psychanalyse... Mais en fait d'où nous vient cette nécessite d'user des mots? Le fait de parler est il si vitale? Récemment j'ai reçu au cabinet un jeune cadre souffrant de troubles d'angoisse, cela provoquait chez lui des crises de tachycardies qui le terrassaient et menaçaient sérieusement sa vie.
Il avait consulté beaucoup de cardiologues, mais tout les traitements prescrits n'avaient aucun effet quand les crises survenaient. Sur le conseil de son médecin, il a accepté de consulter un psychanalyste. Lors de la première séance, intrigué il m'a demandé si j'allais l'hypnotiser. J'ai souris en disant que cela n'était pas nécessaire. Il m'a ensuite interrogé sur l'efficacité de la psychanalyse, car il était perplexe : comment une simple discussion allait le soigner, là où de lourds traitements médicamenteux ont failli. Je lui ai répondu que le secret de la thérapie analytique ne résidait pas seulement dans la discussion mais aussi et surtout dans l'acte d'écouter.
Par la suite durant plusieurs séances je me rendis compte d'un fait particulier : l'analysant avait du mal à parler. La prise de parole était chez lui comme inhibé!! J'ai appris par la suite que ce jeune homme avait un frère ainé muet de naissance, et ce frère ainé n'a jamais accepté cet handicap. L'analysant allait évoquait de douloureux épisodes où son frère entrait dans des accès de furie terribles, où il s'aspergeait d'eau bouillante, ou renversait la table alors que toute la famille mangeait. Quand je demandais la cause de tout cela, l'analysant me donna une explication très particulière : « mon frère ainé nous punissait tous, car il n'acceptait pas de nous voir parler alors que lui en était incapable... » Devant cet état de fait j'orientais la thérapie vers un tout autre axe. Je lui ai posé cette question : « A votre avis, qu'est ce qui faisait souffrir votre frère le plus : qu'il ne puisse pas parler, ou que les autres n'arrivent pas à l'entendre? ».
L'analysant perplexe me répondit : « ça revient au même je crois, vu qu'il est muet il ne peut ni parler ni se faire comprendre!! ». Je répliquais : « Le fait d'être muet, est ce que cela affecte aussi notre voix intérieur? Celle qui nous permet de faire des prières en silence? ». Je soulignais le fait suivant : « Votre frère vous a tyrannisé car il considérait à tord que la création lui a fait une injustice, mais se faisant il nous révèle la structure de votre famille : je crois que chez vous il n'y avait aucun espace d'écoute ». Sur ce l'analysant me reprit : « Oui en effet, car chez nous personne n'écoute personne, il faut crier pour avoir quelque chose... ».
Après trois mois de thérapie l'analysant n'eut plus jamais de crises d'angoisse ou de tachycardies. Si j'ai raconté ces quelques propos extrait de thérapie, c'est pour illustrer l'importance capitale que représente l'écoute. Car si nous sommes habités par le verbe nous sommes aussi habités par le désir. Et notre désir a besoin de l'autre, cet autre que nous séduisons que nous voulons capter par nos mots et nos gestes... en fait qu'est ce qui nous intéresse le plus chez l'autre? Sa présence, sa beauté, son corps.. ou son écoute. Le désir qui nous habite et nous titille, nous déstabilise car il est l'énoncé d'une demande qui provient du fond de l'être qui pourrait être formulé de la sorte : « j'ai étais conçu dans le ventre de ma mère, mon corps est parachevé mais mon esprit lui est en manque d'achèvement, il a besoin de toi, besoin que tu l'accueilles en toi pour grandir et s'accomplir ». Ainsi parler apparaît maintenant comme une quête d'un espace, si le ventre reçoit le fétus et lui offre tout ce qui est nécessaire pour se développer le cœur lui reçoit l'esprit de l'autre pour qu'il croisse sainement. C'est ce qui me fait dire qu'écouter est un acte d'amour et don de soi et de savoir.../.